Un Oeil sur la Vendée

Le blog qui jette un regard sur la Vendée...

jeudi 9 avril 2009

Serge Papin - Système U

Au début, il était tétanisé. Lui, l'ancien ado rebelle, l'autodidacte diplômé d'un BEP de commerce, sur les plateaux de télévision pour parler au nom de la grande distribution ? Et puis, au fil du temps, il les a tous faits. Il est même devenu ces derniers mois ce que les médias appellent "un bon client", toujours disponible pour débattre du pouvoir d'achat ou défendre la grande distribution face aux fournisseurs. "Pas toujours, corrige-t-il immédiatement. Je ne prends la parole que si ça peut rendre service à la communauté de commerçants que je représente. Je n'irai jamais chez Ruquier ou chez Ardisson, par exemple."
Serge Papin est un homme de communication. Mais il est aussi, depuis 2005, le PDG des "nouveaux commerçants" (Hyper U, Super U, Marché U), un groupement de 876 magasins indépendants. Chiffre d'affaires : plus de 16 milliards d'euros. Part de marché : près de 9 %. La cinquantaine fringante, le tutoiement facile, le capitaine du bateau a de la tchatche.
L'inévitable comparaison avec son concurrent Michel-Edouard Leclerc a le don de l'irriter. "Je ne fais pas la course avec Michel." Chez Carrefour ou Auchan, certains trouvent qu'il en fait un peu trop. Mais les mêmes louent son courage, son art de défendre la profession. Michel-Edouard Leclerc lui-même relève un mimétisme certain. Mais considère que sa présence dans les médias est une bonne chose : "Je commençais à me sentir un peu seul. Et puis, au fil du temps, son discours s'est structuré, il n'est plus seulement en défense ou en attaque. Serge a mûri."



L'un est breton dans l'âme, l'autre est un amoureux inconditionnel de la Vendée, dont il peut raconter l'histoire pendant des heures. Mais la comparaison a ses limites. Car si Serge Papin a baigné dès sa naissance dans la distribution alimentaire, il n'est pas un "fils de". Son enfance n'a pas été très gaie. Ses parents tenaient un petit magasin d'alimentation. "Il y avait peu d'intimité familiale. Le client passait avant tout... C'est une période un peu douloureuse de ma vie." Pour arrondir les fins de mois, son père chine dans les campagnes. "A 3 ans, il m'asseyait dans un grand cageot profond comme dans un couffin, dans son camion-magasin" , se souvient-il. A 10 ans, c'est le grand déménagement... La famille quitte Saint-Gilles-Croix-de-vie, s'installe dans le bocage pour reprendre un magasin Codec. C'est un déchirement - "J'ai vécu ça comme un changement de pays, de culture."

L'adolescence n'est guère plus joyeuse. Envoyé en pension chez les jésuites à son entrée en 6e, il ne supporte pas de devoir se taire. "C'était horrible. Tout était interdit. Cela m'a forgé une mentalité de rebelle." Sa scolarité se dégrade vite, il se fait exclure en 3e et entame une année de comptabilité, le temps d'apprendre à taper avec ses dix doigts et à prendre en sténo. Il n'a qu'un BEP de commerce en poche, mais il a lu Boris Vian, Albert Camus et René Char. Manutentionnaire, à 17 ans, dans un Intermarché, il aurait pu virer syndicaliste s'il y était resté. "On était mal considéré, mal payé..."

Naturellement, c'est dans le secteur de la communication qu'il a commencé sa carrière chez Système U. En même temps, il devient propriétaire d'un magasin à Fontenay-le-Comte, toujours en Vendée. Sans grande conviction. "J'avais le sentiment de reproduire un modèle que je refusais dans ma jeunesse, mais je me suis laissé entraîner." A l'époque, il a du mal à faire des choix. Il hésitera longtemps à prendre le pouvoir chez Système U, alors qu'il est le dauphin naturel de Jean-Claude Jaunnay.

Lorsque le groupe est en discussion avec Leclerc en vue d'un rapprochement, il préfère partir plutôt que de s'opposer à cette solution. Mais il reviendra et, en interne, on lui fera payer ce retour. "Les mecs ne m'attendaient pas. Moi j'étais déterminé à préserver l'indépendance de Système U." Il espère avoir, en 2010, 1 000 magasins, 10 % de parts de marché et un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros.

"Il a une influence extrêmement positive sur son groupe, reconnaît Olivier Desforges, président de l'ILEC, une association qui représente les plus grands fournisseurs. Il est à l'écoute de son mouvement. C'est un type sain." Le patron de la Fnac, Denis Olivennes, voit en lui "quelqu'un de sympathique, de chaleureux, d'abordable, qui ne se prend pas la tête". Bref, le pouvoir l'a peu changé. "Il y a des choses que je ne pourrais pas faire" , dit-il : jouer au golf, rouler en Mercedes, habiter dans le 16e arrondissement, faire partie du Rotary Club. "Ce sont des signes de conventions bourgeoises."

Il revendique son côté provincial. Il a gardé un magasin en Vendée, dont il a délégué l'exploitation à un cousin. "Parfois, quand je suis dans certains milieux, je fais un effort." Ses réseaux ne sont pas du côté des patrons du CAC 40, mais plutôt de ses collègues qui gèrent des magasins U. Il raconte volontiers qu'il était le seul à ne pas porter de cravate lors de sa visite avec les autres distributeurs, en octobre, à l'Elysée, pour rencontrer Nicolas Sarkozy. Et en profite pour glisser dans la conversation que "Sarko" n'était pas son candidat, mais qu'il espère qu'il réussira. Il cultive volontiers un petit côté mal élevé : "Une fois, j'étais invité dans un club de patrons pour prendre la parole, c'était tellement chiant, je me suis levé et je suis parti."

S'il habite Saint-Germain-des-Prés - et bientôt le 7e arrondissement - c'est parce que "franchement, si tu habites Paris, c'est là qu'il faut être". Ce quartier lui rappelle ses auteurs préférés, habitués des lieux. Comme René Char, qu'il met au-dessus de tous les autres, et qu'il cite : "Emerge à ta propre surface. Que le risque soit ta lumière, comme un vieux rire dans une entière modestie." Il assure que c'est une phrase-clé pour lui. "Il faut que les jeunes n'hésitent pas à prendre des risques , s'enflamme ce père de quatre filles. Aujourd'hui, on vit dans une société où l'on s'affranchit de tous les risques, dans une société anxiogène."

Lui-même mange bio et, s'il fume, il se limite aux cigarettes sans additif. Ancien triathlète, il court le week-end au jardin du Luxembourg ou sur les quais de la Seine. Il dit ne pas se projeter dans l'avenir et vivre au jour le jour. "Quand on n'est pas occupé à naître, on est occupé à mourir", disait Bob Dylan. Qu'il vénère.


Parcours
1955
Naissance à Saint-Gilles- Croix-de-Vie (Vendée).

1972
BEP de commerce.

1976
Entre chez Système U.

1981
Achète son premier magasin Super U.

2004
Prend la direction générale des enseignes Système U.

2005
Devient PDG du groupement

Source : Le Monde.fr

mardi 7 avril 2009

Des charniers relancent le débat sur le "génocide vendéen"

Qualifiée de découverte archéologique majeure par les spécialistes, la récente mise au jour au Mans (Sarthe) de deux charniers datant des guerres de Vendée ravive les espoirs d'une reconnaissance du "génocide vendéen" chez les tenants d'une telle thèse.

Parmi la vingtaine de squelettes exhumés courant février, "de nombreux corps portent les stigmates d'un véritable acharnement", souligne l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui a annoncé la découverte la semaine dernière.

La plupart ont été tués à l'arme blanche, lors de la fuite de l'armée catholique et royale vendéenne devant les soldats républicains les 12 et 13 décembre 1793.

"Il y aurait au total 2.000 corps enterrés dans le centre-ville du Mans", évalue Pierre Chevet, responsable scientifique de l'opération.

Pour l'historien Reynald Secher, "la découverte des charniers du Mans oblige l'Assemblée nationale à se pencher sur la reconnaissance du génocide vendéen".

"Si le Parlement ne le faisait pas, nous réfléchissons actuellement, avec d'autres universitaires et des politiques, à saisir la Cour pénale internationale de La Haye à plus ou moins brève échéance", déclare cet historien à l'origine de la thèse du "génocide vendéen" en 1986.

Selon lui, la "volonté exterminatrice des révolutionnaires" est établie dans plusieurs documents.



Source photos : Inrap

"Les Vendéens n'étaient pas tués pour ce qu'ils faisaient, mais pour ce qu'ils étaient", soutient l'historien, qui compare ce "génocide" à celui des Arméniens par l'Empire ottoman en 1915-1916 ou à celui des Juifs par les Nazis entre 1939 et 1945.


LE TERME "GÉNOCIDE" RÉFUTÉ

Le débat, qui agite la communauté universitaire depuis maintenant plus de vingt ans, a aussi gagné la sphère politique.

Partisan de cette thèse, Hervé de Charette a été à l'origine, avec huit autres députés UMP et MPF (villiéristes), d'une proposition de loi à l'Assemblée nationale en 2007 pour la "reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794", restée jusqu'à présent lettre morte.

"Il est possible que la découverte des charniers du Mans remette le débat à l'ordre du jour, mais je ne me fais pas trop d'illusions", a déclaré à Reuters l'ancien ministre des Affaires étrangères.

"Cette parole réconciliatrice n'est jamais venue de Paris depuis 200 ans, il y a donc peu de chances pour qu'elle arrive aujourd'hui."

Le terme de "génocide" est fermement rejeté par un certain nombre de spécialistes de la période, dont Jean-Clément Martin, ancien professeur d'Histoire à la Sorbonne et directeur retraité de l'Institut de la Révolution française.

"Reynald Secher utilise des citations exactes, mais qu'il détourne de leur contexte", estime-t-il.

"Il y a bien eu ordre de tuer les contre-révolutionnaires, mais jamais de détruire un groupe humain, religieux ou ethnique. Les mêmes mesures extrêmement violentes avait été prises concernant les contre-révolutionnaires lyonnais, par exemple."

Selon lui, "il y a bien eu des crimes de guerre et des batailles abominables, c'est clair, mais en aucun cas un génocide" lors des guerres de Vendée.



Source : L'Express