Un Oeil sur la Vendée

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jeudi 1 décembre 2011

Valeurs Actuelles rend hommage au courage de Philippe de Villiers



Du temps où j’étais localier en Corrèze, un jeune homme de haute taille et de belle découpe, précédé d’un nez avantageux, effectuait son stage d’énarque à la préfecture de Tulle: Philippe de Villiers. Il avait de l’allant et de la gouaille; Chirac l’appréciait beaucoup. Nous sympathisions en savourant le spectacle des roitelets locaux qu’un puissant laisse toujours éclore dans son sillage.



Villiers devint sous-préfet, démissionna de l’administration dès l’élection de Mitterrand en 1981, fonda le Puy du Fou, régna en maître sur la Vendée, fut secrétaire d’État dans le premier gouvernement de cohabitation de Chirac en 1986. Puis il rompit avec l’UDF, créa son parti et dériva en solitaire. Nous nous retrouvions de temps en temps pour entretenir notre bonne connivence de potaches. Je l’aimais bien, sa marginalisation me désolait. Je ne partageais pas forcément ses vues mais je souhaitais qu’il mette son énergie et son audace au service de la droite, au lieu de la débiner sans relâche. On ne refait pas les caractères: pour le plaisir de balancer un bon mot dans un dîner, Philippe était capable de brûler toutes ses cartouches en se mettant à dos l’ensemble de la classe politique. Dont acte, hélas ! 



Séjournant en Vendée la semaine dernière, j’ai pris la mesure de son action dans son département, et de la nostalgie suscitée par son retrait. Car il a semble-t-il renoncé à la vie publique. Quel dommage ! Reste le Puy du Fou, symbole remarquable d’un “devoir de mémoire” exercé avec opiniâtreté, contre l’esprit du temps, matérialisé en outre par l’Historial de la Vendée et la théâtralisation de la gentilhommière où Charette fut arrêté. En visitant ces lieux, il m’est revenu que, durant la commémoration du bicentenaire de la Révolution, Villiers n’a eu de cesse d’exiger une prise en considération des massacres perpétrés par Turreau et Carrier, et ordonnés par la Convention. Fut-ce un “génocide”? Il semblerait – et, me dit-on, l’historien Reynald Secher en détiendrait la preuve, un ordre d’extermination écrit et signé par Robespierre soi-même. C’est important car si génocide programmé il y eut, la Révolution aura été sans conteste possible la matrice des totalitarismes du XXe siècle, celui de Lénine puis celui d’Hitler. Initiateur opportun d’une approche sans complaisance de la période 1789-1795, le grand historien Furet le laissait plus ou moins entendre. En tout cas le sujet nous concerne de près : nos édiles ayant cru devoir statuer sur le génocidedes Arméniens par les Turcs en 1915, il ne serait pas déraisonnable qu’un vrai débat de fond éclaire leurs lanternes sur les racines mythologiques de la gauche française Je ne suis ni un ultra, ni un monarchiste et je n’aurais garde de confondre un Malesherbes, un Condorcet, voire un Mirabeau avec Marat, Robespierre, Saint-Just et autres psychopathes. Il y a loin d’un socialiste à un trotskiste, avoué ou grimé en Vert. Les deux familles n’en coexistent pas moins dans la France contemporaine, et cette singularité de notre vie politique procède en ligne directe de l’héritage de la Révolution. Laquelle forme un “bloc”, affirmait Clemenceau. Si ce Vendéen glorifié par trois Républiques voyait juste, tout démocrate conséquent se doit de récuser l’héritage de 1789 dans sa totalité. On peut toutefois penser, comme Aron, qu’un fait historique, quel qu’il soit, aurait pu ne pas avoir lieu. La fusion des ordres à Versailles, l’abolition des privilèges le 4 Août impliquaient-elles nécessairement les dérives de la Convention? L’accession inéluctable de la bourgeoisie au pouvoir, effective en Angleterre un siècle auparavant, pouvait-elle faire l’économie de la Terreur ?

Chateaubriand, protégé de Malesherbes, était écolo à la mode de Bernardin de Saint-Pierre, rousseauiste en diable et enclin à adopter l’idée démocratique lorsqu’il suivit son aîné aux états généraux de Bretagne. Comme d’ailleurs le jeune gauchiste Bonaparte. Ces deux géants furent enfantés par les Lumières, et chevauchèrent les mêmes chimères que Robespierre. Mais tout mégalos qu’ils aient été l’un et l’autre, la folie idéologique ne les a pas décervelés. Où situer et comment interpréter le moment où s’enclencha la logique totalitaire? La question n’est pas superfétatoire, hic et nunc, puisque enfin, à gauche de la gauche, des émules de Robespierre pérennisent impunément ses fantasmes purificateurs. En osant rappeler de qui et de quoi furent victimes tant de ses compatriotes vendéens, en associant Soljenitsyne à sa cause, Villiers a fait preuve de courage et de panache. Les mousquetaires de Dumas auraient apprécié.

Denis Tillinac  : Valeurs Actuelles (24/11/2011)

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